Voici une nouvelle que j'avais écris suite à un appel à texte. N'étant pas suffisamment satisfait de sa qualité pour la présenter à la publication, je vous la fait partager sur ce blog.
Une nouvelle
sérénité
« Ejection ! »
Les cinq
rescapés ne perçurent pas le moindre bruit dans la capsule de survie
lorsqu’elle fut expulsée de la navette en chute libre, en revanche le
stabilisateur de pression dysfonctionna et ils eurent la désagréable sensation
d’être écrasés sur place par une main invisible. Ceci ne dura qu’une fraction
de seconde, le temps du déploiement du système de sécurité.
Commença alors
pour les survivants la lente descente, et au stress de l’enclenchement du
système d’expulsion succéda l’angoisse de l’inconnu. Ils n’avaient pas la
moindre idée de leur altitude, du type de planète sur laquelle ils allaient
atterrir ni de la surface qui les accueilleraient au sol… Les pires hypothèses
leur passèrent par la tête : capsule échouant sur une mer d’acide, panne du
système de sécurité synonyme d’une chute vertigineuse, températures extrêmes,
pression au sol intolérable…
Une voix
masculine résonna dans leur système de communication :
- Si au moins on
pouvait voir l’extérieur…
Une voix
féminine étrangement rauque lui répondit :
- Au moins le
système de sécurité supporte la pression, c’est toujours ça.
Célynia regretta
ses paroles qui n’avaient provoquées qu’un silence plus pesant encore. Une
pression supportée par une capsule de survie larguée vers l’inconnu, quelle
nouvelle rassurante !
La première voix
se fit entendre à nouveau, celle de Niko :
- S’il arrivait
quelque chose, sachez que je vous apprécie tous, même toi, Lud’weig, notre
algarade d’hier était ridicule, je m’en excuse.
Je t’apprécie
surtout toi, Célynia, si tu savais comme je regrette de n’avoir pas su te
dire combien je t’aime…
Lud’weig
répondit d’une traite rapide, comme à son habitude :
- Ne t’en fais
pas j’espère qu’on pourra à nouveau se quereller dans quelques temps ce serait
bon signe. Et vous tous…
Son débit rapide
fut coupé par l’allumage du signal d’atterrissage. Les secondes, puis les
minutes passèrent. Ils s’attendaient tous à un choc, la mâchoire crispée, mais
rien ne vint.
- Faut croire
que la capsule a bien touché le sol… Mais pourquoi l’ouverture automatique ne
fonctionne pas ?
- Attends Niko,
je vérifie ça…
Nourrid’ja,
deuxième femme de la capsule, se pencha vers l’ouverture.
- Pas étonnant,
même le voyant est éteint. J’ouvre manuellement, vérifiez votre matériel.
Elle patienta
quelques instants.
- Prêts pour la
surprise ?
Les quatre
compagnons d’infortune hochèrent affirmativement la tête en se demandant
comment elle pouvait garder l’esprit si léger en un tel moment…
Le sas s’ouvrit
sur une vaste étendue vaporeuse se teintant des couleurs d’un ciel violacé. La
capsule était posée sur cette étrange plaine aux contours flous qui paraissait
inconsistante au regard humain.
La luminosité
ambiante était d’un étrange gris bleuté. Une émotion oscillant entre la
surprise, le soulagement et l’interrogation les taraudaient. En bons
scientifiques, Lud’weig et Nourrid’ja – respectivement écologiste planétaire et
biologiste – décidèrent de faire primer la rationalité avant toute chose. La
difficulté essentielle résidant dans l’irrationalité des données recueillies
par leurs capteurs…
Lud’Weig fut le
premier à réagir et débita :
- C’est moi ou
la pression qui nous entoure sur environ 5 mètres autour de la capsule est
différente de la pression au-delà ? Passer de 1050 hPa – bizarre ce chiffre
rond d’ailleurs – à 12-10 Pa sur quelques nanomètres d’épaisseur, y
a un soucis. C’est comme si on était dans une bulle protectrice. C’est mon
matos qui déconne ou c’est moi qui hallucine ?
La voix chaude
de la biologiste lui répondit :
- Ce sera pas
pour te rassurer, mais j’ai exactement les mêmes données. Vous avez capté aussi
la composition atmosphérique et la température ? C’est la même bizarrerie…
Un même doute
vint les étreindre. Quelle était la part de réalité dans tout cela ? Une autre
entité manipulait-elle leurs capteurs électroniques ?
Nourrid’ja brisa
le silence :
- Je me lance.
Elle posa un
pied sur le sol duveteux et le releva aussitôt, craignant une réaction. Des
sortes de vaguelettes argentées étalèrent leurs circonférences autour de
l’empreinte qui s’effaça rapidement.
- C’est une
sensation cotonneuse, ça retient mon poids, par contre je n’ai pas la moindre
idée de ce que c’est… Ni liquide, ni solide… J’effectue un prélèvement.
Elle sortit le
matériel et tenta de recueillir un peu de ce « fluide », mais impossible, il
s’échappait aussitôt, comme mu par sa propre volonté. Elle ne pouvait pas en
détacher la moindre once. Elle finit par enfoncer directement l’analyseur dans
le sol.
- Ben merdre
alors…
Cette phrase fut
celle de trop pour Kray’an, qui n’avait pas encore ouvert la bouche. Depuis
leur entrée dans ce système inconnu, à cause de la lubie d’un commandant de
bord trop curieux et de sa folie - ils n’avaient même pas prévenus les Relais
Spatiaux de leur changement de trajectoire ! - tout avait tourné de travers.
L’angoisse de la mort tenaillait Kray’an depuis trop longtemps et
l’inexplicable et son corollaire de questions sans réponses lui vrillait les
intestins. Sa voix déformée par la peur était suraigüe :
- Bordel
Nourrid’ja arrêtes ton humour de merde ! Lis tes données, pauvre conne ! C’est
quoi la putain de composition chimique de cette…
Niko, agent de
sécurité recruté pour ses aptitudes à la survie en conditions difficiles, hurla
:
- Fermez-là
Kray’an !
Le ton cinglant
eut l’effet escompté : l’ingénieur technique se tut immédiatement. Pas rassuré
pour autant. Niko poursuivit plus doucement mais fermement :
- Vous avez
suivi la formation gestion des risques liés à l’imprévu comme nous tous, alors
vous la mettez en application et vous fermez votre clapet. Nourrid’ja, vous
pouvez poursuivre.
La silhouette
fine de la femme se découpait sur le fond bleuté.
- Je n’ai pas
grand’chose à dire puisqu’aucune molécule n’est reconnue. Je ne peux pas vous
dire ce qu’est cette substance ni sa composition.
Kray’an explosa
:
- Ras le bol !
Si ça se trouve on est déjà mort, on est ailleurs ! Je vérifie !
Prit de folie,
il retira son casque. Il hoqueta… De surprise : l’air était effectivement
respirable dans la « bulle » décrite par Lud’weig. Un rire saccadé, dément le
prit d’un coup :
- Vous voyez ?
On est morts ! Tu parles d’un paradis !
Avant que Niko
put le retenir, il bondit hors de la capsule, bousculant Nourrid’ja qui tomba
sur l’étrange sol. Kray’an éclatait de rire en courant sur la matière
incertaine. Il se retourna vers la capsule et se figea quelques instants,
calmé. Son regard noisette fixait l’horizon opposé au paysage révélé par
l’ouverture.
- Venez voir ça…
Pendant ce temps
les deux scientifiques s’échangeaient des infos. La bulle de protection avait
suivi le technicien durant sa course, toujours sur un rayon de cinq mètre
autour et au-dessus de lui. C’était donc une sphère individuelle.
Ils sortirent
précautionneusement un à un et observèrent un nouveau spectacle derrière la
capsule : sur une surface grise légèrement craquelée s’élevaient à intervalles
réguliers de titanesques roches aux formes coniques, dont la hauteur
vertigineuse était difficile à estimer de cette distance. Le long des immenses
parois pendaient de grandes protubérances qui bougeaient lentement, comme
parcourues d’une brise légère. Tout paraissait paisible, imperturbable… Seule
une carcasse métallique faisait tâche dans ce décor. Celle de leur vaisseau
principal échoué.
Kray’an reprit
sa contenance. S’il y avait le vaisseau, c’est que tout ce cauchemar était bien
réel. Mais au moins y avait-il peut-être une échappatoire possible. Il cria
vers les autres de s’y diriger mais ils ne parurent pas l’entendre.
Forcément, j’ai
oublié de remettre mon casque…
Il allait le
remettre quand il eut une intuition : il se dirigea vers les autres puis,
arrivé près d’eux, leur parla. Ils se retournèrent, surpris. Célynia décida
elle aussi de retirer son casque et s'exprima : ils s’entendaient ! Tous ôtèrent
les casques à l’exception de Niko, toujours méfiant.
- Allons voir si
le vaisseau est récupérable.
Arrivés à une
centaine de mètres de la carcasse, ils constatèrent que les piliers se
révélaient plus imposants encore. Sans doute des centaines de mètres de
hauteurs. Nourrid’ja fronça les sourcils :
- Pourquoi ces
choses bougent-elles alors qu’il n’y a aucun vent sur cette planète selon les
capteurs ?
Évidemment, nul
ne possédait la réponse. Le premier pilier se trouvait à environ 300 mètres.
Les choses qui pendaient, de couleur bleu de cobalt, semblaient illuminées de
l’intérieur. Des filaments lumineux, bleu azur, ressortaient de la membrane,
plus longs à l’extrémité. Ils bougeaient tous selon le même rythme lent. Les
humains regardèrent un moment ce spectacle, s’interrogeant sur la nature de ces
êtres. Tout à coup, une exclamation :
- Nourrid’ja,
regarde à côté de toi !
Près du groupe
se tenaient quatre étranges objets - peut-être des créatures ? - formé de trois
boules bleu-rosé reliées entre elles par trois fins filaments qui se
rejoignaient. D’une taille de quelques centimètres, ils flottaient.
La femme
répondit de sa voix toujours agréable :
- On dirait des
sortes de molécules géantes. Niko, pourquoi tes capteurs n’ont rien détecté ?
La voix étouffée
par le casque répliqua :
- Aucune idée.
Ce qui est sûr c’est qu’ils sont de la même température que l’air ambiant
« externe ». Vous devriez remettre votre EPI, on ne connait pas…
La fin de la
phrase ne vint pas : comme les autres, Niko venait de subir un choc : l’un des
objets s’était dirigé à une vitesse prodigieuse vers Nourrid’ja et était entré
en elle par la narine.
Estomaqués, ils
attendaient une réaction.
La femme ouvrit
grand les yeux, inspira profondément. Elle bougea en tout sens, puis se mit à
bondir. Elle éructa bizarrement :
- Drôle… de…
sensation ! Vous… êtes… si… étranges !
Ses quatre
compagnons se regardèrent, interloqués.
- Nous sommes
normaux, Nourrid’ja. C’est toi qui…
Niko se tut à
nouveau. La femme commençait à se dévêtir.
- Arrête ça tout
de suite, c’est de la folie !
L’agent de
sécurité chercha à l’empêcher de retirer son EPI puis se recula : les autres
objets avançaient vers lui.
Nourrid’ja était
belle, assurément. Sa peau satinée reflétait la couleur violette du ciel et ses
formes pleines représentaient un hommage au genre féminin. En revanche son
comportement aurait rebuté n’importe quel homme : elle se griffait en souriant.
Sa voix retentit dans le silence gêné :
- Est-ce...
de... la… douleur ? Est-ce… comme… la… mort ?
Puis
l’objet-créature ressortit toujours par le nez et le corps devenu flasque de la
belle femme retomba lentement sur le sol crevassé. Niko n’aurait jamais cru
vivre situation si critique.
- Sa bulle de
protection a disparu. Mettez votre EPI, et VITE !
Kray’an fut le
dernier à prendre son casque. Il murmura, choqué :
- Elle est
morte… Ca l’a tuée…
Alors qu’il
levait son casque une autre créature fondit sur lui. D’un réflexe il essaya de
la balayer, mais elle était élastique et revint aussitôt. Elle choisit de
s’enfoncer dans son oeil.
- Je… n’aime…
pas… la… mort. C’est… stupide… d’avoir… une… fin.
Célynia comprit
la première.
- Vous avez prit
son contrôle ?
- Oui.
- Pourquoi ?
De longs
instants s’écoulèrent. Enfin la voix de Kray’an s’exprima, fluide cette
fois-ci.
- Je devrais
mieux parler désormais. J’éprouvais trop d’impatience à ressentir comme vous,
je n’ai pas pris le temps d’emmagasiner votre langage, je piochais juste les
informations ! Pour vous répondre : j’ai pris son contrôle pour savoir ce que
vous ressentez. Pourquoi Kray’an prenait-il des substances néfastes à son
organisme ? Recherchait-il d’autres sensations ?
- Comment
connaissez-vous son nom ??
- Je connais
tout de lui. Tout ce que son cerveau a emmagasiné. En revanche je ne connais
pas les sensations qu’il a vécues. Grâce à Nourrid’ja je connais les odeurs,
les sons, la vue, la douleur… Tant de choses ! C’est très riche d’expérience !
- Pourquoi
l’avoir tuée alors ?
La voix de Niko
était ferme, froide.
- Pour voir ce
que ça faisait ! Ce n’est pas agréable.
- Bien sûr que
non !! Nous ne sommes plus que quatre survivants désormais ! Surtout ne tuez
pas Kray’an, c’est le seul à pouvoir réparer le vaisseau ! Nous serions ravis
de vous connaître, mais cessez de faire de nous une expérience sensorielle,
c’est trop dangereux !
- Mais si je
pars, il meurt. Et si je reste, je suis moi-même, mais dans son enveloppe
charnelle. Son corps ne vous est plus utile.
- Vous voulez
dire…
Niko ne
poursuivit pas. Tout s’enchainait trop vite. Ils étaient irrémédiablement
condamnés sur cette planète, sans aucun espoir de retour : personne n’avait les
connaissances pour remettre en route le Sérénité. Un nom très mal
choisit au vu des circonstances de son crash.
Lud’weig luttait
lui aussi pour garder le moral. De façon saugrenue, il se demanda si le corps
de la biologiste pouvait être enterré dans l’immense mer, premier paysage
apparu à leurs yeux.
Célynia
réfléchissait. Les créatures ne paraissaient pas inamicales, la mort semblait
due – était-ce possible ?? – à un malentendu. Une question l’assaillit d’un
coup :
- Dis-moi,
créature, pourquoi avons-nous une sorte de bulle de protection autour de nous ?
- Pour vous
permettre de survivre, bien sûr ! Nous n’en avons pas besoin, vous si.
- Mais qui a
décidé de nous protéger ? Comment est-ce techniquement possible ?
- Son nom est
imprononçable dans votre langue, je peux seulement vous indiquer que c’est la
planète.
Nouvelle
stupéfaction des humains. L’extra-terrestre poursuivit, toujours par
l’intermédiaire physique de Kray’an :
- Voulez-vous
lui parler ?
Les deux hommes
et la femme se regardèrent. Réponse unanimement affirmative : leur dernier
espoir de s’en sortir, aussi improbable soit-il, était en jeu.
Mille cent trente
six mètres plus haut, emportés par les créatures qui s’étirèrent sous leurs
bras telles des élastiques, ils apprécièrent la merveilleuse vision que donne
l’altitude. La capsule n’était plus visible d’ici. La mer inconnue s’étendait à
perte de vue d’un côté. En haut, le ciel violet était éclairé de lui-même, sans
l’aide d’une étoile. Peut-être une infinité de petits êtres lumineux vivant dans
la stratosphère ? L’aspect mouvant de la voute céleste en donnait l’impression.
Le reste du paysage se composait de pilier immenses et de « lacs »
semblables à la mer. Une sorte de très légère brume empêchait de voir au-delà
d’une certaine distance – lointaine cependant.
Célynia accepta
la première de prendre place sur l’une des choses qui pendait, dont les
filaments mesuraient en réalités quelques mètres. Elle retira son EPI, s’y
installa, bien retenue, ferma les yeux et quelques filaments s’agrippèrent à
elle comme des sangsues. Les deux hommes l’observaient, inquiets, guettant les
réactions. L’instant d’après, la femme parut détendue et un sourire se dessina
de temps à autre sur ses fines lèvres. La bulle de protection l’entourait
toujours mais les filaments la traversaient. Niko les compara à ces fils de
connexion qui permettait la virtulife.
Elle finit enfin
par ouvrir les yeux et les filaments se retirèrent délicatement. Célynia
paraissait sereine et pourtant, les connaissances envoyées à son esprit
s’avéraient pour le moins saisissantes…
En haut du
pilier, dans cette luminosité violacée mâtinée de gris et de bleu, entourée des
trois
créatures-objets
restantes et du corps habité de Kray’an, elle expliqua à ses compagnons
incrédules :
- La planète -
je dis « la » par habitude bien qu’elle soit asexuée - nous a protégé par
curiosité. C’est le seul sentiment qu’elle partage en commun avec nous. Pour le
reste, elle n’a ni morale, ni sensation physique. Les étranges créatures sont…
Comment dire… Des hypostases. En quelques sortes des parties matérielles issues
de la planète et qui mènent leur propre existence, ayant hérité de la
curiosité.
Célynia ne put
s’empêcher de sourire devant l’air subjugué des deux hommes.
- Concernant la sphère
invisible permettant notre survie, peu importe la manière dont elle est créée.
Disons juste que la planète peut modifier à volonté l’atmosphère, en revanche
elle ne peut modifier d’elle-même la matière « solide ». Toujours par
curiosité, elle laisse ses hôtes le faire sans intervenir.
Niko,
pragmatique, la coupa :
- Peut-elle
ressusciter Nourrid’ja et éviter la mort de Kray’an ?
- Non. Ce qui
est mort ne peut être ramené à la vie, et elle n’a aucun pouvoir sur les
objets-créatures. En revanche elle nous laisse d’extraordinaires possibilités…
Vous devriez vous « connecter » vous aussi.
Niko accepta.
Dénudé, il se posa sur la protubérance et les filaments s’accrochèrent à lui.
Une sensation douce s’empara de son être et il comprit que la planète le
nourrissait intellectuellement, spirituellement mais aussi… Physiquement ! Il
comprit rapidement que vivaient ici d’innombrables créatures, peu d’entre elle
étant perceptibles par les sens humains.
L’étrangeté de
ces derniers arrivants, pour la planète, dépassait de loin celle des autres
formes de vie. C’est pourquoi l’astre fit une proposition qui marqua à jamais Niko,
comme elle avait marqué Célynia… Le choix simple s’exposait ainsi : en
l’absence de possibilité de partir – la planète l’aurait de toute façon refusé,
pas par méchanceté puisqu’elle ignorait les sentiments, mais pour satisfaire sa
curiosité – les humains pouvaient choisir une vie potentiellement éternelle ou
se reproduire, la planète se chargeant dans ce cas de n’intervenir que pour
éviter les risques liés à la consanguinité. Dans les deux cas une bulle immense
serait créée simplement pour eux.
Une décharge de
bien-être traversa le corps de Niko, qui ouvrit les yeux. Sa voix calme résonna
:
- Lud’weig, tu
devrais te connecter… Tu as un choix à réaliser !
L’écologiste
planétaire, qui avait retiré son casque pour discuter avec la survivante de ses
nouvelles connaissances, fronça les sourcils :
- Je ne le
souhaite pas. Célynia m’a dit ce que je devais savoir. Je ne désire pas en
savoir plus.
Niko se tourna
vers elle. Ses yeux gris s’accordaient à merveille avec l’environnement. Il
s’approcha et prit ses mains, la regardant intensément.
- Célynia…
La femme posa un
doigt sur sa bouche :
- Moi aussi j’ai
fait mon choix. J’ai bien vu ton comportement tout ce long voyage… Je t’aime,
et suis prête à fonder une nouvelle humanité avec toi.
Ils
s’embrassèrent.
Lud’weig se
demanda si l’esprit - était-ce un esprit ? - de la planète les avait
influencés. Cette question resta sans réponse durant les siècles qui suivirent
: il refusa toujours de se « connecter » dans le but de recevoir des
informations, voulant rester « totalement humain ». Ses « connexions »
quotidiennes n’avaient pour but que de pourvoir à ses besoins élémentaires.
Sa vocation
d’écologiste planétaire fut comblée au-delà de ses espérances. L’immense
planète était une source de surprises perpétuelles. Et surtout, il avait enfin
ce qui lui manquait depuis toujours, ce qui l’avait conduit si loin des siens :
un but, un objectif. Et celui-ci se révélait simple : transmettre l’histoire de
l’humanité aux nombreuses générations descendantes de Célynia et Niko.
Un jour il
comprit que son action sur la nouvelle humanité devenait sclérosante : il
figeait l’histoire, dont les souvenirs s’avéraient depuis tout ce temps
fragmentaires et imprécis… Il avait par ailleurs la sensation d’être divinisé
et cela contredisait sa mission : transmettre l’humain en le restant. Il décida
de réaliser une exploration minutieuse de la planète sans plus se préoccuper
des siens, pendant deux siècles, consignant ses observations sur divers
supports, puis revint là ou tout avait commencé.
Il enjoignit la
planète de lui faire rejoindre les corps de Célynia et Niko, et son enveloppe
charnelle reposa auprès d'eux pour l’éternité dans l’immense masse argentée
teintée d’améthyste, dans ce système inconnu du reste de l’humanité…
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