jeudi 7 mars 2013

Nouvelle - Une nouvelle sérénité


Voici une nouvelle que j'avais écris suite à un appel à texte. N'étant pas suffisamment satisfait de sa qualité pour la présenter à la publication, je vous la fait partager sur ce blog.

Une nouvelle sérénité

« Ejection ! »

Les cinq rescapés ne perçurent pas le moindre bruit dans la capsule de survie lorsqu’elle fut expulsée de la navette en chute libre, en revanche le stabilisateur de pression dysfonctionna et ils eurent la désagréable sensation d’être écrasés sur place par une main invisible. Ceci ne dura qu’une fraction de seconde, le temps du déploiement du système de sécurité.

Commença alors pour les survivants la lente descente, et au stress de l’enclenchement du système d’expulsion succéda l’angoisse de l’inconnu. Ils n’avaient pas la moindre idée de leur altitude, du type de planète sur laquelle ils allaient atterrir ni de la surface qui les accueilleraient au sol… Les pires hypothèses leur passèrent par la tête : capsule échouant sur une mer d’acide, panne du système de sécurité synonyme d’une chute vertigineuse, températures extrêmes, pression au sol intolérable…

Une voix masculine résonna dans leur système de communication :

- Si au moins on pouvait voir l’extérieur…

Une voix féminine étrangement rauque lui répondit :

- Au moins le système de sécurité supporte la pression, c’est toujours ça.

Célynia regretta ses paroles qui n’avaient provoquées qu’un silence plus pesant encore. Une pression supportée par une capsule de survie larguée vers l’inconnu, quelle nouvelle rassurante !

La première voix se fit entendre à nouveau, celle de Niko :

- S’il arrivait quelque chose, sachez que je vous apprécie tous, même toi, Lud’weig, notre algarade d’hier était ridicule, je m’en excuse.

Je t’apprécie surtout toi, Célynia, si tu savais comme je regrette de n’avoir pas su te dire  combien je t’aime…

Lud’weig répondit d’une traite rapide, comme à son habitude :

- Ne t’en fais pas j’espère qu’on pourra à nouveau se quereller dans quelques temps ce serait bon signe. Et vous tous…

Son débit rapide fut coupé par l’allumage du signal d’atterrissage. Les secondes, puis les minutes passèrent. Ils s’attendaient tous à un choc, la mâchoire crispée, mais rien ne vint.

- Faut croire que la capsule a bien touché le sol… Mais pourquoi l’ouverture automatique ne fonctionne pas ?

- Attends Niko, je vérifie ça…

Nourrid’ja, deuxième femme de la capsule, se pencha vers l’ouverture.

- Pas étonnant, même le voyant est éteint. J’ouvre manuellement, vérifiez votre matériel.

Elle patienta quelques instants.

- Prêts pour la surprise ?

Les quatre compagnons d’infortune hochèrent affirmativement la tête en se demandant comment elle pouvait garder l’esprit si léger en un tel moment…

Le sas s’ouvrit sur une vaste étendue vaporeuse se teintant des couleurs d’un ciel violacé. La capsule était posée sur cette étrange plaine aux contours flous qui paraissait inconsistante au regard humain.

La luminosité ambiante était d’un étrange gris bleuté. Une émotion oscillant entre la surprise, le soulagement et l’interrogation les taraudaient. En bons scientifiques, Lud’weig et Nourrid’ja – respectivement écologiste planétaire et biologiste – décidèrent de faire primer la rationalité avant toute chose. La difficulté essentielle résidant dans l’irrationalité des données recueillies par leurs capteurs…

Lud’Weig fut le premier à réagir et débita :

- C’est moi ou la pression qui nous entoure sur environ 5 mètres autour de la capsule est différente de la pression au-delà ? Passer de 1050 hPa – bizarre ce chiffre rond d’ailleurs – à 12-10 Pa sur quelques nanomètres d’épaisseur, y a un soucis. C’est comme si on était dans une bulle protectrice. C’est mon matos qui déconne ou c’est moi qui hallucine ?

La voix chaude de la biologiste lui répondit :

- Ce sera pas pour te rassurer, mais j’ai exactement les mêmes données. Vous avez capté aussi la composition atmosphérique et la température ? C’est la même bizarrerie…

Un même doute vint les étreindre. Quelle était la part de réalité dans tout cela ? Une autre entité manipulait-elle leurs capteurs électroniques ?

Nourrid’ja brisa le silence :

- Je me lance.

Elle posa un pied sur le sol duveteux et le releva aussitôt, craignant une réaction. Des sortes de vaguelettes argentées étalèrent leurs circonférences autour de l’empreinte qui s’effaça rapidement.

- C’est une sensation cotonneuse, ça retient mon poids, par contre je n’ai pas la moindre idée de ce que c’est… Ni liquide, ni solide… J’effectue un prélèvement.

Elle sortit le matériel et tenta de recueillir un peu de ce « fluide », mais impossible, il s’échappait aussitôt, comme mu par sa propre volonté. Elle ne pouvait pas en détacher la moindre once. Elle finit par enfoncer directement l’analyseur dans le sol.

- Ben merdre alors…

Cette phrase fut celle de trop pour Kray’an, qui n’avait pas encore ouvert la bouche. Depuis leur entrée dans ce système inconnu, à cause de la lubie d’un commandant de bord trop curieux et de sa folie - ils n’avaient même pas prévenus les Relais Spatiaux de leur changement de trajectoire ! - tout avait tourné de travers. L’angoisse de la mort tenaillait Kray’an depuis trop longtemps et l’inexplicable et son corollaire de questions sans réponses lui vrillait les intestins. Sa voix déformée par la peur était suraigüe :

- Bordel Nourrid’ja arrêtes ton humour de merde ! Lis tes données, pauvre conne ! C’est quoi la putain de composition chimique de cette…

Niko, agent de sécurité recruté pour ses aptitudes à la survie en conditions difficiles, hurla :

- Fermez-là Kray’an !

Le ton cinglant eut l’effet escompté : l’ingénieur technique se tut immédiatement. Pas rassuré pour autant. Niko poursuivit plus doucement mais fermement :

- Vous avez suivi la formation gestion des risques liés à l’imprévu comme nous tous, alors vous la mettez en application et vous fermez votre clapet. Nourrid’ja, vous pouvez poursuivre.

La silhouette fine de la femme se découpait sur le fond bleuté.

- Je n’ai pas grand’chose à dire puisqu’aucune molécule n’est reconnue. Je ne peux pas vous dire ce qu’est cette substance ni sa composition.

Kray’an explosa :

- Ras le bol ! Si ça se trouve on est déjà mort, on est ailleurs ! Je vérifie !

Prit de folie, il retira son casque. Il hoqueta… De surprise : l’air était effectivement respirable dans la « bulle » décrite par Lud’weig. Un rire saccadé, dément le prit d’un coup :

- Vous voyez ? On est morts ! Tu parles d’un paradis !

Avant que Niko put le retenir, il bondit hors de la capsule, bousculant Nourrid’ja qui tomba sur l’étrange sol. Kray’an éclatait de rire en courant sur la matière incertaine. Il se retourna vers la capsule et se figea quelques instants, calmé. Son regard noisette fixait l’horizon opposé au paysage révélé par l’ouverture.

- Venez voir ça…

Pendant ce temps les deux scientifiques s’échangeaient des infos. La bulle de protection avait suivi le technicien durant sa course, toujours sur un rayon de cinq mètre autour et au-dessus de lui. C’était donc une sphère individuelle.

Ils sortirent précautionneusement un à un et observèrent un nouveau spectacle derrière la capsule : sur une surface grise légèrement craquelée s’élevaient à intervalles réguliers de titanesques roches aux formes coniques, dont la hauteur vertigineuse était difficile à estimer de cette distance. Le long des immenses parois pendaient de grandes protubérances qui bougeaient lentement, comme parcourues d’une brise légère. Tout paraissait paisible, imperturbable… Seule une carcasse métallique faisait tâche dans ce décor. Celle de leur vaisseau principal échoué.

Kray’an reprit sa contenance. S’il y avait le vaisseau, c’est que tout ce cauchemar était bien réel. Mais au moins y avait-il peut-être une échappatoire possible. Il cria vers les autres de s’y diriger mais ils ne parurent pas l’entendre.

Forcément, j’ai oublié de remettre mon casque…

Il allait le remettre quand il eut une intuition : il se dirigea vers les autres puis, arrivé près d’eux, leur parla. Ils se retournèrent, surpris. Célynia décida elle aussi de retirer son casque et s'exprima : ils s’entendaient ! Tous ôtèrent les casques à l’exception de Niko, toujours méfiant.

- Allons voir si le vaisseau est récupérable.

Arrivés à une centaine de mètres de la carcasse, ils constatèrent que les piliers se révélaient plus imposants encore. Sans doute des centaines de mètres de hauteurs. Nourrid’ja fronça les sourcils :

- Pourquoi ces choses bougent-elles alors qu’il n’y a aucun vent sur cette planète selon les capteurs ?

Évidemment, nul ne possédait la réponse. Le premier pilier se trouvait à environ 300 mètres. Les choses qui pendaient, de couleur bleu de cobalt, semblaient illuminées de l’intérieur. Des filaments lumineux, bleu azur, ressortaient de la membrane, plus longs à l’extrémité. Ils bougeaient tous selon le même rythme lent. Les humains regardèrent un moment ce spectacle, s’interrogeant sur la nature de ces êtres. Tout à coup, une exclamation :

- Nourrid’ja, regarde à côté de toi !

Près du groupe se tenaient quatre étranges objets - peut-être des créatures ? - formé de trois boules bleu-rosé reliées entre elles par trois fins filaments qui se rejoignaient. D’une taille de quelques centimètres, ils flottaient.

La femme répondit de sa voix toujours agréable :

- On dirait des sortes de molécules géantes. Niko, pourquoi tes capteurs n’ont rien détecté ?

La voix étouffée par le casque répliqua :

- Aucune idée. Ce qui est sûr c’est qu’ils sont de la même température que l’air ambiant « externe ». Vous devriez remettre votre EPI, on ne connait pas…

La fin de la phrase ne vint pas : comme les autres, Niko venait de subir un choc : l’un des objets s’était dirigé à une vitesse prodigieuse vers Nourrid’ja et était entré en elle par la narine.
Estomaqués, ils attendaient une réaction.
La femme ouvrit grand les yeux, inspira profondément. Elle bougea en tout sens, puis se mit à bondir. Elle éructa bizarrement :

- Drôle… de… sensation ! Vous… êtes… si… étranges !

Ses quatre compagnons se regardèrent, interloqués.

- Nous sommes normaux, Nourrid’ja. C’est toi qui…

Niko se tut à nouveau. La femme commençait à se dévêtir.

- Arrête ça tout de suite, c’est de la folie !

L’agent de sécurité chercha à l’empêcher de retirer son EPI puis se recula : les autres objets avançaient vers lui.

Nourrid’ja était belle, assurément. Sa peau satinée reflétait la couleur violette du ciel et ses formes pleines représentaient un hommage au genre féminin. En revanche son comportement aurait rebuté n’importe quel homme : elle se griffait en souriant. Sa voix retentit dans le silence gêné :

- Est-ce... de... la… douleur ? Est-ce… comme… la… mort ?

Puis l’objet-créature ressortit toujours par le nez et le corps devenu flasque de la belle femme retomba lentement sur le sol crevassé. Niko n’aurait jamais cru vivre situation si critique.

- Sa bulle de protection a disparu. Mettez votre EPI, et VITE !

Kray’an fut le dernier à prendre son casque. Il murmura, choqué :

- Elle est morte… Ca l’a tuée…

Alors qu’il levait son casque une autre créature fondit sur lui. D’un réflexe il essaya de la balayer, mais elle était élastique et revint aussitôt. Elle choisit de s’enfoncer dans son oeil.

- Je… n’aime… pas… la… mort. C’est… stupide… d’avoir… une… fin.

Célynia comprit la première.

- Vous avez prit son contrôle ?

- Oui.

- Pourquoi ?

De longs instants s’écoulèrent. Enfin la voix de Kray’an s’exprima, fluide cette fois-ci.

- Je devrais mieux parler désormais. J’éprouvais trop d’impatience à ressentir comme vous, je n’ai pas pris le temps d’emmagasiner votre langage, je piochais juste les informations ! Pour vous répondre : j’ai pris son contrôle pour savoir ce que vous ressentez. Pourquoi Kray’an prenait-il des substances néfastes à son organisme ? Recherchait-il d’autres sensations ?

- Comment connaissez-vous son nom ??

- Je connais tout de lui. Tout ce que son cerveau a emmagasiné. En revanche je ne connais pas les sensations qu’il a vécues. Grâce à Nourrid’ja je connais les odeurs, les sons, la vue, la douleur… Tant de choses ! C’est très riche d’expérience !

- Pourquoi l’avoir tuée alors ?

La voix de Niko était ferme, froide.

- Pour voir ce que ça faisait ! Ce n’est pas agréable.

- Bien sûr que non !! Nous ne sommes plus que quatre survivants désormais ! Surtout ne tuez pas Kray’an, c’est le seul à pouvoir réparer le vaisseau ! Nous serions ravis de vous connaître, mais cessez de faire de nous une expérience sensorielle, c’est trop dangereux !

- Mais si je pars, il meurt. Et si je reste, je suis moi-même, mais dans son enveloppe charnelle. Son corps ne vous est plus utile.

- Vous voulez dire…

Niko ne poursuivit pas. Tout s’enchainait trop vite. Ils étaient irrémédiablement condamnés sur cette planète, sans aucun espoir de retour : personne n’avait les connaissances pour remettre en route le Sérénité. Un nom très mal choisit au vu des circonstances de son crash.

Lud’weig luttait lui aussi pour garder le moral. De façon saugrenue, il se demanda si le corps de la biologiste pouvait être enterré dans l’immense mer, premier paysage apparu à leurs yeux.

Célynia réfléchissait. Les créatures ne paraissaient pas inamicales, la mort semblait due – était-ce possible ?? – à un malentendu. Une question l’assaillit d’un coup :

- Dis-moi, créature, pourquoi avons-nous une sorte de bulle de protection autour de nous ?

- Pour vous permettre de survivre, bien sûr ! Nous n’en avons pas besoin, vous si.

- Mais qui a décidé de nous protéger ? Comment est-ce techniquement possible ?

- Son nom est imprononçable dans votre langue, je peux seulement vous indiquer que c’est la planète.

Nouvelle stupéfaction des humains. L’extra-terrestre poursuivit, toujours par l’intermédiaire physique de Kray’an :

- Voulez-vous lui parler ?

Les deux hommes et la femme se regardèrent. Réponse unanimement affirmative : leur dernier espoir de s’en sortir, aussi improbable soit-il, était en jeu.

Mille cent trente six mètres plus haut, emportés par les créatures qui s’étirèrent sous leurs bras telles des élastiques, ils apprécièrent la merveilleuse vision que donne l’altitude. La capsule n’était plus visible d’ici. La mer inconnue s’étendait à perte de vue d’un côté. En haut, le ciel violet était éclairé de lui-même, sans l’aide d’une étoile. Peut-être une infinité de petits êtres lumineux vivant dans la stratosphère ? L’aspect mouvant de la voute céleste en donnait l’impression. Le reste du paysage se composait de pilier immenses et de « lacs » semblables à la mer. Une sorte de très légère brume empêchait de voir au-delà d’une certaine distance – lointaine cependant.

Célynia accepta la première de prendre place sur l’une des choses qui pendait, dont les filaments mesuraient en réalités quelques mètres. Elle retira son EPI, s’y installa, bien retenue, ferma les yeux et quelques filaments s’agrippèrent à elle comme des sangsues. Les deux hommes l’observaient, inquiets, guettant les réactions. L’instant d’après, la femme parut détendue et un sourire se dessina de temps à autre sur ses fines lèvres. La bulle de protection l’entourait toujours mais les filaments la traversaient. Niko les compara à ces fils de connexion qui permettait la virtulife.

Elle finit enfin par ouvrir les yeux et les filaments se retirèrent délicatement. Célynia paraissait sereine et pourtant, les connaissances envoyées à son esprit s’avéraient pour le moins saisissantes…

En haut du pilier, dans cette luminosité violacée mâtinée de gris et de bleu, entourée des trois
créatures-objets restantes et du corps habité de Kray’an, elle expliqua à ses compagnons incrédules :

- La planète - je dis « la » par habitude bien qu’elle soit asexuée - nous a protégé par curiosité. C’est le seul sentiment qu’elle partage en commun avec nous. Pour le reste, elle n’a ni morale, ni sensation physique. Les étranges créatures sont… Comment dire… Des hypostases. En quelques sortes des parties matérielles issues de la planète et qui mènent leur propre existence, ayant hérité de la curiosité.

Célynia ne put s’empêcher de sourire devant l’air subjugué des deux hommes.

- Concernant la sphère invisible permettant notre survie, peu importe la manière dont elle est créée. Disons juste que la planète peut modifier à volonté l’atmosphère, en revanche elle ne peut modifier d’elle-même la matière « solide ». Toujours par curiosité, elle laisse ses hôtes le faire sans intervenir.

Niko, pragmatique, la coupa :

- Peut-elle ressusciter Nourrid’ja et éviter la mort de Kray’an ?

- Non. Ce qui est mort ne peut être ramené à la vie, et elle n’a aucun pouvoir sur les objets-créatures. En revanche elle nous laisse d’extraordinaires possibilités… Vous devriez vous « connecter » vous aussi.

Niko accepta. Dénudé, il se posa sur la protubérance et les filaments s’accrochèrent à lui. Une sensation douce s’empara de son être et il comprit que la planète le nourrissait intellectuellement, spirituellement mais aussi… Physiquement ! Il comprit rapidement que vivaient ici d’innombrables créatures, peu d’entre elle étant perceptibles par les sens humains.

L’étrangeté de ces derniers arrivants, pour la planète, dépassait de loin celle des autres formes de vie. C’est pourquoi l’astre fit une proposition qui marqua à jamais Niko, comme elle avait marqué Célynia… Le choix simple s’exposait ainsi : en l’absence de possibilité de partir – la planète l’aurait de toute façon refusé, pas par méchanceté puisqu’elle ignorait les sentiments, mais pour satisfaire sa curiosité – les humains pouvaient choisir une vie potentiellement éternelle ou se reproduire, la planète se chargeant dans ce cas de n’intervenir que pour éviter les risques liés à la consanguinité. Dans les deux cas une bulle immense serait créée simplement pour eux.

Une décharge de bien-être traversa le corps de Niko, qui ouvrit les yeux. Sa voix calme résonna :

- Lud’weig, tu devrais te connecter… Tu as un choix à réaliser !

L’écologiste planétaire, qui avait retiré son casque pour discuter avec la survivante de ses nouvelles connaissances, fronça les sourcils :

- Je ne le souhaite pas. Célynia m’a dit ce que je devais savoir. Je ne désire pas en savoir plus.

Niko se tourna vers elle. Ses yeux gris s’accordaient à merveille avec l’environnement. Il s’approcha et prit ses mains, la regardant intensément.

- Célynia…

La femme posa un doigt sur sa bouche :

- Moi aussi j’ai fait mon choix. J’ai bien vu ton comportement tout ce long voyage… Je t’aime, et suis prête à fonder une nouvelle humanité avec toi.

Ils s’embrassèrent.

Lud’weig se demanda si l’esprit - était-ce un esprit ? - de la planète les avait influencés. Cette question resta sans réponse durant les siècles qui suivirent : il refusa toujours de se « connecter » dans le but de recevoir des informations, voulant rester « totalement humain ». Ses « connexions » quotidiennes n’avaient pour but que de pourvoir à ses besoins élémentaires.

Sa vocation d’écologiste planétaire fut comblée au-delà de ses espérances. L’immense planète était une source de surprises perpétuelles. Et surtout, il avait enfin ce qui lui manquait depuis toujours, ce qui l’avait conduit si loin des siens : un but, un objectif. Et celui-ci se révélait simple : transmettre l’histoire de l’humanité aux nombreuses générations descendantes de Célynia et Niko.

Un jour il comprit que son action sur la nouvelle humanité devenait sclérosante : il figeait l’histoire, dont les souvenirs s’avéraient depuis tout ce temps fragmentaires et imprécis… Il avait par ailleurs la sensation d’être divinisé et cela contredisait sa mission : transmettre l’humain en le restant. Il décida de réaliser une exploration minutieuse de la planète sans plus se préoccuper des siens, pendant deux siècles, consignant ses observations sur divers supports, puis revint là ou tout avait commencé.

Il enjoignit la planète de lui faire rejoindre les corps de Célynia et Niko, et son enveloppe charnelle reposa auprès d'eux pour l’éternité dans l’immense masse argentée teintée d’améthyste, dans ce système inconnu du reste de l’humanité…

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